Noëll

 

L’unitarité abstraite est une démarche picturale qui s’élabore à partir de 1978 sous l’impulsion de la peintre française Lucienne Levy, dite Noëll. Celle-ci opère une rupture partielle avec la peinture informelle.

 

Propriété décelée dans l’abstraction lyrique, l’unitarité cherche à réaliser un rapprochement qui eût été perçu comme une hérésie par les principaux représentants des mouvements abstraits du XXe siècle : la fusion de l’abstraction dans l’étude documentaire. Contrairement aux tenants de la peinture informelle, l’initiatrice de l’unitarité abstraite n’a jamais repoussé la forme, l’équilibre ou la composition unitaire. En revanche, elle les rejoint sur la rupture avec les proportions, l’harmonie tonale ou la structuration centralisée.

 

Comment résumer en deux mots une progression s’effectuant sur plusieurs décennies? Peut-être en prenant acte du fait que chez Noëll, contrairement aux apparences, la vie et l’œuvre sont totalement imbriquées. Que dans son cas, l’abandon de la figure humaine, si elle marque un tournant décisif et coïncide avec la localisation d’un principe qu’elle ne lâchera plus dès l’instant que son intuition lui en aura dessiné le véhicule, ne saurait pour autant amorcer une rupture avec les deux périodes préparatoires de l’œuvre. On peut même observer plus qu’une continuité, une persistance des grands thèmes abordés au cours des années de jeunesse à travers les matrices que va se fabriquer le temps de la maturité. La condition féminine, par exemple, sera l’un des marqueurs transversaux qu’il nous sera donné de suivre depuis son bref passage dans l’École d’Alger jusqu’aux œuvres unitaires les plus récentes via la période charnière des années 1970, où le féminisme, fort de son engagement indépendant, usera d’un symbolisme chromatique puissant lié au thème de la maternité. L’unité transcendantale aussi, qu’elle découvre, qu’elle recherche, qu’elle découvre du fait qu’elle la recherche, pour avoir été confrontée à de multiples reprises aux forces de rupture d’un monde livré à lui-même lors de deux guerres, l’une mondiale, l’autre décoloniale, dont le double refoulement que celles-ci entraîneront chez une femme bien décidée à aller de l’avant accentueront leur influence durable dans le subconscient noëllien. Ce monde, elle se refusera toujours à l’abandonner à une fatalité qu’elle reconnaît conforme à sa propre nature bien que rigoureusement étrangère à l’esprit humain qui, en l'espèce, est censé jouer son rôle face à lui.